lundi 13 février 2012

Quelques héros Camerounais: Um Nyobe, Moumié et Ouandié. Les Martyrs de notre indépendance avortée

Nous avons créé une rubrique: « quelques héros Camerounais », c'est une série de documents visant à mettre en perspective des gens qui ont par leurs actes œuvré de façon significative au bienêtre de notre pays. Cette initiative va dans le sens de la fonction éducative que nous nous sommes confié. A CamerNation nous pensons que l'éducation, la connaissance de l'histoire de notre pays est la base de lancement solide de tout projet de changement sérieux.

La vraie histoire de notre pays devrait être enseignée dans nos écoles. Nos rues, nos édifices devraient porter le nom et l'image de nos héros. Les pays dits modernes et démocratiques suivent tous ces traditions. Les stèles, les avenues, les places publiques, les monuments importants et autres emblèmes de l'état, sont généralement dédies à la mémoire des personnalités historiques. Dans des pays comme la France ou les Etats Unis, ce n'est pas un hasard, cette dédicace, ce dévouement a pour but non seulement d'honorer ces personnalités, mais aussi d'enseigner l'histoire. Les populations de ces pays puisent leur inspiration, ces états bâtissent leur politique et vision de l'avenir sur la base des actions de leur héros historique. L'histoire a une place de choix dans la vie de toute nation ambitieuse et libre.

Au Cameroun, il est clair que notre gouvernement est encore à la solde des nations colonisatrices. La France n'est-elle par le garant du pouvoir de Biya? Cette même France qui nous a donné une indépendance arrangée, avec des termes à sa convenance. On comprend pourquoi les rues et monument chez nous portent des noms tels que  De Gaulle, Foch, Leclerc et autres. Ces gens ne représentent historiquement rien pour les Camerounais, ils sont peut-être des héros pour leur mère patrie, ce ne sont pas des héros Camerounais.

Une rue au général de Gaulle ou une stèle au maréchal Foch n'a aucune valeur ajoutée pour nous les Camerounais, les actions de ces personnalités Françaises ont eu pour objectif d'asservir le peuple Camerounais. Ils ont peut être servi leur pays mais cela s'est fait à notre détriment. Le Cameroun ne peut se construire effectivement que si on enlève le manteau colonial, les reliques de la domination Française doivent être enlevés de nos rues et de nos places publiques. Une vraie indépendance du Cameroun doit passer par une réclamation totale de notre passé historique.

Nous ne pouvons compter sur le régime de Biya pour enlever le voile sur notre passé. Ce régime a été hérité de celui la même, qui fut le partenaire principal de la France, dans le marchandage honteux qu'a été notre indépendance: Ahidjo. Beaucoup d'acteurs, complices de l'éradication systématique de notre histoire sont encore au pouvoir. Il revient au peuple de réclamer cette histoire, la vraie, de notre pays.

CamerNation a commencé le devoir de récupération. Nous allons tenter d'introduire quelques personnages clés, qui ont initié la lutte pour l'indépendance de notre pays.

Nous allons ici introduire en fait historiques, Ruben UM NYOBE, Felix-Roland MOUMIE et de Ernest OUANDIE

Nous pensons que ces héros doivent être présentés en même temps, étant donne  leur histoire et destin communs.



Ruben Um Nyobé 


Ruben Um Nyobé




Né vers 1913, Trahi, il est assassiné par les forces françaises le 11 Septembre 1958.

Il a créé l'UPC (Union des Populations du Cameroun) le 10 Avril 1948 à Douala, en compagnie d'illustres indépendantistes tels que Charles Assalé, Léonard Bouli, Guillaume Bagal, Étienne Libaï, Emmanuel Yap, Jacques Biboum, Raphaël Nkoudou , Ernest-Marie Owona et Léopold Moumé-Etia.

Les Leaders de l'UPC  (de gauche a droite premier rang): Castor Osende Afana, Abel Kingué, Ruben Um Nyobé, Felix Moumié, and Ernest Ouandié


Il va à New York plaider la cause du Cameroun devant la 309e séance des Nations Unis le 17 Décembre 1952.
Um démontre à l'ONU l'intention de la France d'incorporer et de gérer le Cameroun comme une colonie, bien qu'elle fût mise sous mandat Français par la même institution, après la défaite Allemande à la premiere guerre mondiale.
Um argumente fortement pour la réunification des Cameroun Britanique et Francais et l'independance totale du pays. A son retour au Cameroun en 1953, Um fait imprimer le texte de son intervention à l'ONU sous le titre: « que veut le Cameroun? » c'est un mémorandum qui est un véritable plaidoyer pour l'indépendance du Cameroun.

Le 26 Mai 1955 à Douala, le haut-commissaire Français Roland Pré ordonne la répression des manifestations de l'UPC dans le sang. Il y a des milliers de morts et un nombre record de manifestants sont arrêtés.

Le 13 juillet 1955 l'UPC est interdite, Um Nyobe est ses partisans prennent maquis dans la foret où ils continuent les activités du parti dans la clandestinité. D'autres leaders, Félix Moumié, Abel Kingué et Ernest Ouandié sont forces de s'exiler a l'étranger.

Le 29 Avril 1956 la "loi cadre" est annonce par la France visant à donner une autonomie interne et l'élection d'une Assemble locale. Cette loi est l'approche par étapes que la France envisage pour l'indépendance du Cameroun. Elle ne prend pas en compte l'unification du Cameroun et ne prévoit pas une échéance précise pour l'indépendance totale.
Um s'y oppose et réclame la réhabilitation de L'UPC et l'amnistie totale pour tous ses membres comme condition pour participer aux élections locales. La réhabilitation de l'UPC et l'amnistie est refusée par les autorités françaises.

L'UPC est écarté des élections de l'assemblée locale du 23 décembre 1956, elles sont boycottes dans plusieurs régions du pays dont la Sanaga Maritime fief de Um Nyobe. Les actes de sabotages et vandalisme des populations sont réprimés dans le sang par l'armée Française, une bonne partie des populations de la Sanaga Maritime se réfugie dans la foret, où Um continue les activités du parti dans la clandestinité.

Le 10 septembre 1958, alors qu’ils tentent de déménager de leur maquis, Um et ses compagnons sont encercles par une patrouille de l'armée française. Certains sont exécutés sur le champ et d'autres blessés.

Selon certaines sources, Um est arrêté sain et sauf, il aurait été extradé à Yaoundé en secret, pour des discussions avec les plus hautes autorités de l'état. Um aurait refusé de se retourner contre ses camarades et le parti comme lui demandait Ahidjo et les allies Français.

Um a été exécuté par les troupes Françaises le 11 Septembre 1958.

L'annonce officielle de sa mort a été faite le 13 septembre 1958 par l'armée Française, sa dépouille est transférée et exposée à Eséka. Le corps de Um a été inhumé dans un bloc de béton au cimetière de la mission protestante d'Eséka.



Dr. Félix Roland Moumié

Dr Felix Roland Mounié


Né en 1926, il est empoisonné au thallium, le 15 octobre 1960 à Genève par William BETCHEL, agent des services secrets français la SDECE (Service de Documentation Extérieure et de Contre-Espionnage), qui s'est passé pour journaliste. Il meurt d'une mort atroce le 3 Novembre 1960 dans un hôpital Genevois.  Il avait seulement 34 ans. Il est enterré à Conakry en Guinée.

Etudiant brillant, Mounié obtient son diplôme de médecin à l'école professionnelle William Ponty à Dakar en 1947 et retourne au Cameroun dans la même année.

Mounié rencontre Um Nyobe pour la première fois à Kribi, où il exerce come Médecin en 1948. Um Nyobe est porteur d'une lettre de recommandation du professeur Darbousier, ancien professeur de Moumié, qu'il rencontre à Dakar alors qu'il y est pour une conférence du RDA (Rassemblement démocratique africain).
Les deux hommes se rencontrent et discutent longuement, Moumié devient militant de l'UPC.

En Avril 1950, Moumié est élu vice-président de l'UPC lors du congrès de Dschang. Son militantisme lui vaut plusieurs affectations disciplinaires de ses supérieurs Français. Il est tour à tour envoyé a dans les Villes de Bétaré-Oya dans la région de l'est du pays, puis Mora et Maroua dans la région de l'Extrême-Nord.
Cela ne change rien à son dévouement à l'UPC, il en profite même pour recruter des militants dans les zones de l'est et de l'extrême nord du pays.

Moumié est élu président de l'UPC lors du deuxième congrès du parti a Éséka, tenu du 20 au 30 septembre 1952.

Le 25 Mai 1955 à Douala, Moumié organise un meeting public pour démentir les attaques du  haut-commissaire de France au Cameroun Roland Pré. Une foule nombreuse est présente pour l'écouter, l'armée française ouvre le feu sur les manifestants pacifiques. Les morts se comptent par milliers, le quartier le plus touché est New Bell, le fief de l'UPC. Le sang va couler sur une grande partie du territoire jusqu'au 30 mai 1955 quand les manifestations secouent le pays.

Le 13 juillet 1955 l'UPC est interdite, Um Nyobe se réfugie dans le maquis dans la Sanaga maritime, Moumié et ses compagnons notamment Abel Kingué et Ernest Ouandié, s'enfuient dans le Cameroun Anglophone où il va y rester pendant 2 ans. Il continue de militer activement dans la zone anglophone et participe à la création du "One Kamerun" avec Ndeh Ntumazah.

Le 7 Juillet 1957, alors que les Britanniques ont déclaré l'UPC illégale dans le Cameroun anglophone, Moumié et ses compagnons sont déportés au Soudan où ils seront détenus pendant 10 jours.

En 1960, alors qu'il vit à Conakry en Guinée, Moumié effectue un voyage en Europe qui le conduira à Genève en Suisse. C'est dans cette ville qu'il se rend à un déjeuner avec l'agent Français William BETCHEL, qui se passé pour un journaliste. Le 15 Octobre 1960 Il est lâchement empoisonnée par ce dernier avec du thallium, substance hautement toxique. Moumié meurt après des souffrances atroces, dans un hôpital de la ville de Genève le 3 novembre 1960, à l’âge de 34 ans.


Ernest Ouandié

Ernest Oundié, le jour de son éxecution


Né en 1924, Il a été exécuté le 15 Janvier 1971 à Bafoussam, par la France et le régime d’Ahidjo.


Il obtient son diplôme de moniteur indigène de l’école supérieure de Yaoundé en 1943.
En qualité de fonctionnaire il est affecté à plusieurs reprises dans les villes du pays. Il rencontre beaucoup des camarades du parti et particulièrement son épouse Marthe Eding quand il est en poste à Edéa.

Déjà reconnu par les autorités coloniales comme agitateur public, il milite pour l’Union des Confédérés Camerounais, un groupe syndical de l’époque. Il rejoint les rangs de l’UPC lors du congrès d’Eséka de 1952. Il est élu vice-président de l’UPC en charge des organes de presses, notamment le journal de l’UPC « La voix du Kamerun ».

Le 13 juillet 1955 l'UPC est interdite, Ouandié et ses camarades, Moumié, Kingué et les autres se réfugient en zone Anglophone, notamment a Kumba. Il fait partie de la vague qui est déporté vers le Soudan par les autorités du Cameroun britannique. Ouandié se retrouve au Ghana, où il établit sa base d'exile à Accra sous le parrainage de Kwame Nkrumah. Il voyage régulièrement entre le Soudan, La Guinée et l'Egypte où les autres leaders de l'UPC vivent en exile, il y rencontre aussi les leaders locaux pour demander du soutien pour l'UPC.

Apres les assassinats de Um Nyobe en 1958 et de Mounié en 1960, Ouandie décide de revenir au Cameroun poursuivre la résistances armée.  Ouandie et ses camarades livrent une résistance farouche aux troupes françaises dans la zone de l'Ouest et du Moungo.

A partir des années 1965, la résistance est considérablement affaibli, à cause du manque  de ressources, les troupes de Ouandie ne reçoivent plus d'aide de l'extérieur, ils sont pratiquement coupe de tout apport en munition et ravitaillement par les circuits étrangers. La tactique de terre brulée et destruction totale de la France a un effet dévastateur sur le moral des populations locales. La guerre s'enlise et les populations sont à bout de souffle.

Monseigneur Ndongmo est nommé évêque de Nkongsamba en 1964, une zone au cœur même du maquis dans le Moungo. Il offre de négocier la fin de la guerre et faire sortir Ouandié et ses combattants du maquis. Il entreprend des pourparlers avec Ahidjo et Enoch Kwayeb alors Ministre de L'administration territoriale. Il obtient de ces derniers que la vie de Ouandié et ses compagnons soit épargné comme condition préalable à leur sortie du maquis.

Ayant compris que le gouvernement n'avait aucune intention de tenir parole, Ndongmo a changé d'avis et convaincu Ouandie de quitter le pays pour l'Algérie. Ndongmo s'est engagé à lui procurer un passeport pour qu’il puisse sortir du pays. Rendez-vous à été pris entre les deux parties pour un jour de départ. Entre temps le gouvernement a eu vent du plan et a visiblement bloqué la procédure du passeport. Etant donné les difficultés de communications et les préparatifs d'un voyage imprévu au Vatican à Rome, Ndongmo n'a pas pu alerté Ouandie du changement de plan.

Ouandie s'est présenté à la résidence de Ndongmo le jour de rendez-vous et a été place devant les faits: Le passeport n'était pas prêt, Ndongmo partait à Rome, et pour compliquer les choses, des sœurs de l'église devaient occuper le domicile en l'absence de Ndongmo. Dans l'incapacité d'héberger Ouandie et ses camarades, Ndongmo les a envoyé trouver temporairement refuge chez son catéchiste dans les environs de Mbanga. A son arrivé à Mbanga, le catéchiste a refusé d'aider Ouandie et a alerté les forces de l'ordre.

Ouandié et ses compagnons se sont disperses dans la foret en fuite. Apres plusieurs jours dans la foret, désorienté et affaibli par la faim et la soif, Ouandie est forcé de sortir de la foret à la recherche de l'aide. Il aperçoit les rails et pense être arrivé à Nkongsamba, il pense pouvoir passer inconnu, il ignore alors qu’une ligne ferroviaire a été établie entre Mbanga et Kumba ; en fait il est encore à Mbanga. Il aperçoit un passant et lui demande de l'emmener chez le chef du village. Suivant l'homme il s'est soudain aperçu qu'il le conduisait à la gendarmerie. Ouandié s'est résolu à se rendre sur le champ, il a devancé l'homme et est entré le lui-même à la gendarmerie où il s'est présenté en ces termes: "Je suis Ernest Ouandié".

Ouandié a été arrêté le 20 Août 1970 à Mbanga et transféré à la BMM à Yaoundé, prison redoutable du régime Ahidjo. Il va subir ce que les historiens qualifient de simulacre de procès de Décembre 1970 au 5 Janvier 1971, sentence,  il est condamné à mort avec 2 de ses compagnons. L'évêque Ndongmo fera partie de ce procès et sera lui aussi condamne à mort, peine qu'Ahidjo va commuer en prison à vie avant de lui rendre la liberté 5 ans plus tard.

Le 15 décembre 1971, Ernest Ouandie, Raphael Fotsing (le présumé complice et liaison avec Ndongmo), Gabriel Tabeu dit Wambo le Courant (accusé d'avoir fomenté un coup d'état spirituel contre Ahidjo) sont exécutés à Bafoussam. Ouandié refuse qu'on lui voile les yeux et fait face au peloton d'exécution.

Différentes sources décrivent la séance d'exécution de Ouandié en ces termes:
Apres les premiers coups de feu, Ouandié a crié "Vive le Cameroun!" avant de s'effondrer. Un officier français c'est approché du prisonnier mourant, retiré son arme de l’holter, tiré sur Ouandie à bout portant. Un officier français a donné le coup de grâce à Ernest Ouandie, signant ainsi le forfait Français.

La France a donc arrêté, jugé et exécuté Ernest Ouandié, un homme qui s'est battu inlassablement pour la liberté, la dignité et l'indépendance de notre pays le Cameroun. Ouandié est ainsi exécuté publiquement 11 ans après que le Cameroun a accédé au semblant d’indépendance, qu’il aura passé la moitié de sa vie adulte à lutter contre.

Notons que 27 juin 1991 Um Nyobe, Moumié et Ouandié sont officiellement proclamé comme "héros national" par l'Assemblée nationale, et le 16 Décembre 1991 ils ont été réhabilités. CamerNation pense que cette déclaration  et réhabilitations étaient des farces. S'ils sont vraiment des "héros national", pourquoi à ce jour la vérité n'a pas été dite officiellement sur qui étaient ces personnalités et leur apport au Cameroun en tant que nation ? Pourquoi leur nom est à peine mentionnée dans les livres d'histoire et manuels scolaires ? Où sont les rues et stèles à leur nom ? Pourquoi  n'existe il pas de jour de commémoration en leur honneur dans le calendrier national ?

Et la France dans toute cette affaire, elle ne s'est jamais excusée d'avoir massacrée des centaines milliers de Camerounais, d'avoir brulé des villages entiers, d'avoir commis des crimes les plus odieux envers le peuple Camerounais.


Ref: Prisoner without a crime: disciplining dissent in Ahidjo's Cameroon, Albert Mukong
Ref. Remember Ruben - Mongo Beti

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